Pionnier de la chanson québécoise, à titre de producteur et de compositeur, Roméo Beaudry a largement contribué à la naissance de l’industrie québécoise du disque. À sa grande époque, il a contribué à la carrière de La Bolduc, Hector Pellerin et plusieurs grands noms de l’époque.
Les premiers pas d’un pionnier
Roméo Beaudry voit le jour le 25 février 1882, à Montréal. Son père travaillant pour la Willis Piano Company, il passe son enfance à Québec. En 1900, après avoir terminé son cours classique, le jeune homme travaille pour la banque nationale. Il s’associe par la suite à son père dans la gestion d’un magasin de musique.
En 1912, Roméo devient représentant de la Starr sales company. Parallèlement, il est critique musical pour le journal La Patrie. En 1915, à la demande de la Columbia Gramophone Company de New-York, il suggère des noms d’artistes québécois, parmi lesquels figurent Jean-Marie Magnan, Joseph-Henri Thibodeau, Hector Pellerin, François Xavier Mercier et Alfred Nohcor. La compagnie veut ainsi desservir sa clientèle francophone de nouvelle Angleterre. Grâce à Beaudry, ces artistes iront enregistrés plusieurs pièces à New-York. En 1916, il est embauché par Edmond Archambault, en tant que vendeur au rayon des pianos.
Les années Starr
Deux ans plus tard, soit en 1918, John Croden et Wilfred Stevenson fonde la Starr Company of Canada. Ces derniers nomment Roméo Beaudry directeur général de cette nouvelle compagnie. L’année suivante, le producteur s’associe à Herbert Berliner et sa compagnie Compo, lors de l’octroie du contrat de pressage des disques Gennett.
Lorsqu’il fonde, en 1920, la Starr Phonograph of Québec, sise sur la rue Saint-Laurent, à Montréal, le producteur crée la série 11000. Il commence également à signer des chansons pour les artistes enregistrant sur son étiquette (souvent la même chanson sera enregistrée par plus d’un artiste). Si parfois, ce sont des adaptations de chansons américaines, elles sont également très souvent des créations originales.
La compagnie, qui fut racheter par Compo en 1925, produit, au cours des années 20, 693 disques francophones. Parmi les artistes produits par Beaudry, il faut citer Hector Pellerin, Isidore Soucy, Ovila Légaré, Eugène Daigneault, Placide Morency, Hercule Lavoie, Albert Marier, Charles Marchand, Alexandre Desmarteaux et La Bolduc.
Les premiers interprètes
Par ailleurs, parmi les premiers interprètes du compositeur, citons Jeanne Maubourg (Un baiser dans la nuit, 1923), Alexandre Desmarteaux (Il a tant plu, 1925, L’habitant dans sa voiture, 1925), Joseph Fournier de Belleval (Je t’attendrai, 1925), Arthur Lafleur (Pauvre bonhomme), Olivier Gélinas (Pour nous aimer toujours, 1924, Je pleure en m’endormant chaque soir, 1925, Chérie Biri-bi, 1927, Berceuse à la lune, 1927), Gaston Saint-Jacques (Mam’zelle Montréal, 1923, Il a tant plu, 1924, Mon pitou, 1928, Chi-cou, 1929) et Placide Morency (Tu m’as dit des mots de tendresse, 1923, Il est un chant d’amour, 1923, Dans le sentier du souvenirs, 1925, Toi, 1930).
Les fidèles amis
Hercule Lavoie est l’un des artistes de cette époque a avoir beaucoup interprété Roméo Beaudry. De leur collaboration, sont nées, entre autres L’amour pardonne (1924), L’amour se souvient (1924), Berce mon rêve (1924), Chante rossignol chante (1924), Dis-le moi (1924), Hier, aujourd’hui, demain (1925), Il ne faut pas pleurer pour ça (1925), J’ai toujours vingt ans (1925), Mais si tu reviens un jour (1925), Laisse-moi te dire (1926), Il fallait des anges au paradis (1927), Pour quelqu’un qu’on aime (1927) et Tu prends plaisir à me voir souffrir (1927). En 1926, l’interprète enregistre avec succès Ne fais jamais pleurer ta mère, qui sera plus tard reprise, notamment par Albert Viau (en 1939) et Lionel Parent (en 1949). Hercule Lavoie enregistre également Ange de mon berceau (1925), La chanson du prisonnier (1925) et Diamants bleus (1926), qu’il partage avec Hector Pellerin. Avec Charles-Émile Brodeur, il interprète Mon cœur a besoin de votre amour, en 1926.
Ami du compositeur, J.-Hervey Germain endisque lui aussi plusieurs chansons portant la signature de Beaudry. Parmi celles-ci, citons Au revoir Mimi, non pas adieu (1920, en duo avec Arthur Lapierre), Au printemps ma Lizon (1921), Nos vieux parents (1921), Rien qu’un baiser (1921), Mimi printemps (1921), N’oubliez pas (1922), La rose du boulevard (1922), Le sheik d’Arabie (1922, en duo avec Arthur Lapierre), Ah! Ce qu’il a le nez gros (1923), Bonjour ma ninette (1923), Ma jolie danseuse (1923), Mon ami m’a volé mon amour (1924), Printemps d’amour (1924), Riez un peu et tout ira bien (1924), Une fille que les hommes oublient (1924), Il est quelque part mon cœur (1925) et Je ne veux plus pleurer pour toi (1925).
De Beauchemin à Daigneault
Toujours à partir de 1927, Roméo Beaudry amorce une fructueuse collaboration avec Georges Beauchemin. Ce dernier enregistre, entre autres, Au milieu de la nuit (1926), Bonjour l’amour (1927), Ramona (1928), Un coin de ciel bleu (1928), À l’ombre des lilas (1928), Jeannine au temps des lilas (1928), Mademoiselle Mimi (1928), Mon Angéline (1929), Mon château d’Espagne (1929), Au sommet du monde (1929), Bonjour mon bel oiseau bleu (1929), Dis-moi que tu pardonnes (1929) et J’ai trouvé l’amour (1929).
À la fin de la décennie, Eugène Daigneault (Ous’que tu travailles, 1927, en duo avec Samuel Letendre, Elle attent tout le temps, 1929, Le jupon d’Angèle, 1930), Joseph Audet (À l’ombre des lilas, 1927, Si l’amour fait couler des larmes, 1927), Paul Payan (Entre nous deux, 1928), Edgar Gagnier (Les adieux de Médéric, 1928, Camilien où donc es-tu, 1928), Lucien Tourangeau (Ne dis pas non, Ninon, 1928), Louis Chartier (Un coin de ciel bleu, 1928), Arthur Lapierre (C’est l’R-100, 1930, Jeannine au temps des lilas, 1928), Ludovic Huot (L’amour vagabond, 1929, Ma chérie, 1929), Léo Brunet (Dis-moi souvent ces mots d’amour, 1929) et Ovila Légaré (C’est une habitude, 1929, Pousse-toé Ferdinand, 1930) s’ajoutent à la liste des interprètes du parolier-compositeur.
Les dernières années
Le répertoire de Larry Larrivée comprend également beaucoup de chansons de Roméo Beaudry, comme par exemple, Mon cavalier (1927), C’est Ti-Pit Trépanier (1927), C’qu’on fait quand il fait mauvais (1927), On ne sait jamais (1927), Charlotte (1928), Les filles d’aujourd’hui (1928), Hello Montréal (1928), Les loups en automobile (1929) et Poussez-vous les vieux, poussez-vous (1930).
Par ailleurs, parmi les chansons interprétées par Jean Cartier, retenons Ah! Que m’importe (1927), Ce soir tu m’appartiens (1927), Pour les étrennes de maman (1927), Ma juanita (1927), Rio Rita (1927), Ça se dit en deux mots (1928), Cette rose m’a fait penser à vous (1928), Laissez parler les fleurs (1928), Mademoiselle Mimi (1928), Je te tiens dans mes bras (1929), Bébé Lou (1929), Ma chanson du nil (1929), Soir d’Espagne (1929), Le chant de la jungle (1930) et Est-ce bien ça l’amour (1930).
Albert Marier a également beaucoup interprété le parolier : À quoi bon (1928), Ris clown ris (1928), L’amour vagabond (1929), La chanson de Broadway (1929), Bonjour mon bel oiseau bleu (1929), Si Suzon savait (1929), Sur les genoux de ta mère (1929), Alouette n’aie pas peur de moi (1930), L’arc-en-ciel (1930), Les beaux jours sont revenus (1930), Nuit de Mexique (1930), En dansant je pleure tout bas (1930), J’ai fini de pleurer (1930), J’ai peur de tes grands yeux (1930), Ma Jennie Lee (1931), Dis-leur bonjour pour moi (1931), Pauvre amoureux (1931) etc.
Au début des années 30, Roméo Mousseau (Je te tiens dans me bras, 1930, Nuit de Mexique, 1930, Rio Rita, 1930, Dis-leur bonjour pour moi, 1931) et Nicolas Amato (Les baisers sont les fleurs de l’amour, 1931) interprètent à leur tour le prolifique compositeur.
En plus des nombreuses chansons qu’il a signées et de son rôle de producteur au sein de la compagnie Starr, Roméo Beaudry a fondé la Radio Music Publisher/Éditions Radio afin d’éditer de la musique en feuilles. Le premier producteur de disques québécois a ouvert la voie à l’industrie de la chanson d’ici, qui prendra son plein essor quelques décennies après son décès.