Accompagnée de Claude Delécluse ou seule, Michelle Senlis a écrit pour Édith Piaf, Jean Ferrat et beaucoup d’autres. Plusieurs classiques de la chanson française figurent à son répertoire, dont Les amants d’un jour et C’est beau la vie.
La grande porte
Cette Parisienne, née en 1933, rencontre celle qui sera sa complice d’écriture, c’est-à-dire Claude Delécluse, dans un cercle littéraire. L’auteur se passionne pour Marguerite Yourcenar, Carco et Pierre Marc Orlan. Pendant les années cinquante, il n’était pas évident pour les femmes de faire leur place dans le milieu de l’écriture de chansons. Pour preuve, personne n’a voulu interpréter la première chanson de Senlis et Delécluse intitulée Tous les cris.
Il faut donc attendre le deuxième essai pour voir arriver le succès. C’est à Hambourg est proposé à Germaine Montero, qui en demande la musique à Marguerite Monnot, la compositrice d’Édith Piaf. La chanteuse, après avoir vu le texte de la chanson, s’empresse de convoquer les deux auteurs chez elle, boulevard Lannes. Nous sommes alors en 1955. Cependant, si Piaf fait un succès de la chanson, Montero en gardera la primeur. En effet, elle est la première à enregistrer C’est à Hambourg. Outre ces deux grandes dames de la chanson, Catherine Sauvage nous livrera également sa version de ce succès.
Grâce aux mêmes auteurs, Édith connaît un autre succès de taille, qui devient un classique de la chanson : Les amants d’un jour (1956). Cette dernière chanson sera reprise plus tard par Daniel Guichard, entre autres. Enfin, Piaf interprète une troisième chanson du duo, avec moi de succès, cependant : Comme moi (1958).
Des interprètes à la tonne
Après ces coups de maître, la carrière de Michelle Senlis est lancée. Pendant les années cinquante, elle est chantée par Michèle Arnaud (Sans l’amour de toi, 1958, reprise par Miguel Amador), Hugues Aufray (Y’avait Fanny qui chantait, 1959, aussi chantée par John William), Anny Flore (C’est pour le moi de mai, 1959), René-Louis Lafforgue (L’île de la jatte), Patachou (Jenny la chance, 1955), Patrice et Mario (Guitare flamenco, 1957, reprise par Dalida)...
Les années soixante débutent avec Dalida qui interprète C’est un jour à Naples (1963) et Les régates de San Francisco. Plus tard, en 1973, elle chantera Justine. Parmi les autres interprètes de cette époque, figurent Juliette Gréco (Rachel, 1963), Jean-Jacques Debout (Le ballon bleu, 1960, aussi chanté par Annie Cordy et Mireille), Théo Sarapo (Dans la nuit), Christine Sèvres (Quatre cent enfants noirs, 1963) et Les Trois Ménestrels (Les affiches), entre autres. Cependant, la consécration viendra avec Jean Ferrat.
Jean Ferrat et compagnie
C’est en travaillant pour Yves Montand que Michelle Senlis rencontre le chanteur. Il doit composer la musique des chansons, mais un problème de signature survient. Jean Ferrat doit donc enregistrer lui-même les chansons : Le petit jardin, L’homme à l’oreille coupée, Les nomades, Les petits bistrots, Mes amours (toutes de 1962). Débute alors une longue collaboration à succès dont on retiendra Les belles étrangères (1965), À moi l’Afrique (1972) et C’est beau la vie (1963), entre autres. D’ailleurs, cette dernière chanson est également interprétée par Isabelle Aubret. Celle-ci chante aussi Derrière la rose noire (1963), Elle avait mon âge (1968), L’âge tendre (1968), Une vie (1973), Les moulins, Sauvage et tendre Mexico, L’espoir.
Jacqueline Dulac et Jacques Hustin font également partie des interprètes fétiches de Michelle Senlis. De la collaboration avec la première naîtront de magnifiques chansons, comme Venise sous la neige, Une étoile jaune, Les chevaux et Dans le cœur des poètes, par exemple. Quant à Jacques Hustin, il chante Je t’apprends par cœur, Foulard gris (1975), La province (1975), Les vanniers et Un peu comme aujourd’hui, entre autres.
Les derniers succès
La liste des interprètes de l’auteur ne s’arrête pas là. En effet, Georgette Lemaire chante une très belle chanson d’amour, écrite sur une musique d’Alain Barrière, intitulée Les amoureux du nord (1969). Régine enregistre Les cafés (1967) et Encore un verre chez Lily (1971). Enfin, citons Noëlle Cordier (Les oiseaux), Éva (La neige est si blanche), Line et Willy (Les jardins italiens), Francesca Solleville (Lola, Lola) et Fabienne Thibeault (Comme des enfants) qui interprètent les magnifiques textes de Michelle Senlis.
Malheureusement, cette magnifique carrière se termine mal. En 1962, Michelle écrit Mon vieux, que met en musique Jean Ferrat. La chanson sera enregistrée par Jean-Louis Stain, mais passera complètement inaperçue. L’année suivante, le père de l’auteur décède. Dès ce moment, Michelle Senlis refuse que cette chanson soit interprétée. Or, en 1974, Daniel Guichard reprend la chanson, en change quelques mots et en fait son plus grand succès. L’auteur, se sentant trahie par le métier, décide d’arrêter. Elle continue néanmoins d’écrire, mais garde désormais ses oeuvres pour elle.
Aujourd’hui, l’auteur se consacre à la peinture. Celle qui nous a laissé de magnifiques chansons à l’émotion forte, fut une des premières femmes auteur de chansons, mais aussi une des seules à avoir fait équipe avec une autre auteur féminine, Claude Delécluse.