Delécluse, Claude
Pionnière à plus d’un titre, Claude Delécluse apporta à la chanson française de nombreux chef-d'œuvres, écrits seule ou avec sa complice Michelle Senlis. Ces deux femmes constituèrent le premier duo d’auteurs féminins, à une époque où les femmes étaient rares dans le métier.
La chanson d’une vie
Né à Paris, en 1920, Claude Delécluse fréquente, au début des années cinquante les cercles littéraires de la capitale. Elle y rencontre Michelle Senlis, qui deviendra très vite sa complice. Les deux auteurs débutent par un énorme succès, après avoir écrit une chanson intitulée Tous les cris, jamais enregistrée. Ce succès a pour titre C’est à Hambourg et est créé par Germaine Montero, mais surtout par Édith Piaf.
Après ce premier succès, les deux auteurs proposent à Piaf Les amants d’un jour. L’interprète crée la chanson au Carnegie Hall de New-York et brise un verre sur scène après chaque interprétation. Ce geste restera dans les mémoires longtemps et n’est sûrement pas étranger au succès de la chanson. Édith Piaf chantera encore Comme moi, en 1958, avant de se tourner vers de nouveaux auteurs.
Les années magiques
Heureusement, le succès attire les interprètes et ainsi Claude Delécluse écrit, à la fin des années cinquante pour Hugues Aufray (Y’avait Fanny qui chantait, 1959), Patachou (Jenny la chance, 1955), Michèle Arnaud (Sans l’amour de toi, 1958), André Dassary (Si l’amour est un péché, 1958), Juliette Gréco (Si l’amour est un péché, également, 1958, Rachel, 1963), Germaine Sablon (Je connais des prisonniers, 1955), Guylaine Guy (Aux flonflons de la fête, 1956) René-Louis Lafforgue (L’île de la jatte) et Anny Flore (C’est pour le mois de mai, 1959). Même Mireille se fait l’interprète de l’auteur en chantant Le ballon bleu. Il faut dire qu’elle en a composé la musique. La chanson sera reprise par Jean-Jacques Debout et Annie Cordy.
Par ailleurs, Dalida fait aussi partie des interprètes de l’auteur. Cette dernière chante C’est un jour à Naples (1960), Les régates de San Francisco et Guitare flamenco. Cette dernière chanson est reprise par Patrice et Mario. Après Piaf, c’est au tour de son dernier mari d’interprété des chansons signées Claude Delécluse et Michelle Senlis. Théo Sarapo enregistre, en effet, Dans la nuit, en 1963.
De Ferrat à Dulac
Par un hasard heureux, Claude Delécluse et Michelle Senlis rencontre Jean Ferrat, qui finit par enregistrer les chansons prévues pour Yves Montand, suite à un désaccord entre les maisons de disques. Parmi celle-ci, Claude co-signe L’homme à l’oreille coupée (1962) et Les petits bistrots (1962), tandis qu’elle signe seule, Le Polonais (1962), mais surtout Deux enfants au soleil (1961). Cette dernière chanson sera le premier succès de Ferrat, mais aussi d’Isabelle Aubret, qui l’enregistre également. Celle-ci chantera, au cours de sa carrière, plusieurs autres chansons de Claude Delécluse (écrite seule ou avec Michelle) : Derrière la rose noire (1963), Les amants de Vérone (1970), Le bonheur (1970), Une vie (1973) etc.
Au milieu des années soixante, Jacqueline Dulac a un coup de coeur pour les deux auteurs et décide de ne plus chanter que leurs chansons. Claude écrit le texte de Lorsqu’on est heureux (1972), qui sera le plus grand succès de l’interprète. Suivent Avoir vingt ans (1970), Le lion (1970), Dans le coeur des poètes (1973), Les oiseaux d’Amsterdam, chansons parfois co-signées avec Michelle, sa complice de toujours.
La fin d’une époque
D’autres interprètes viendront encore s’ajouter à la liste dont Éva (La neige est si blanche), Régine (Encore un verre chez Lily, 1971), Georgette Lemaire (Les amoureux du nord, 1969), Jacqueline Danno (Chez Lolita, 1962) et Francesca Solleville (Lola Lola). Mais, désormais, l’auteur préfère garder ses chansons pour elle. D‘ailleurs, comme sa complice, n’a-t-elle pas toujours écrit pour elle-même ? Ceci explique sans doute pourquoi les textes de ses chansons sont si beaux.
Claude Delécluse a exercé son métier sans compromis. Elle n’a jamais accepté les commandes, préférant travailler au coup de coeur. De plus, comme sa complice Michelle Senlis, elle ne s’est jamais consacrée exclusivement à la chanson, exerçant diverses activités parallèles. Comme quoi ces deux femmes écrivaient vraiment par passion...
- Écrit par : Frédérick Blais